Tale of A City - Volume II

CHRONIQUE D’UNE VILLE 2

3 CHRONIQUE D’UNE VILLE Deuxième partie

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5 Sultan bin Mohammed Al-Qasimi CHRONIQUE D’UNE VILLE Deuxième partie Traduit de l’anglais par Dr. Cécile Fouache Révisé par Dr. Khaled Besbes

CHRONIQUE D’UNE VILLE 6 Titre du livre : Chronique d’une ville (Deuxième partie) Nom de l’auteur : Dr. Sultan Bin Mohammed Al-Qasimi (Émirats Arabes Unis) Nom de l’éditeur : Al-Qasimi Publications, Sharjah, Émirats Arabes Unis Année de publication : 2015 / 1437 de l’hégire Droits d’auteur réservés Distribution: Al-Qasimi Publications, Sharjah, Al-Qasba Bloc D 3eme Étage B.P. 64009 Sharjah, Émirats Arabes Unis Téléphone : 0097165541145 Fax : 0097165541664 Email : alqasimi.dist@gmail.com _____________________________________________________________ 953,53 S.M.Q Sultan Bin Mohammed Bin Saqr Al-Qasimi 1939 – Chronique d’une ville / Sultan Bin Mohammed Al-Qasimi - Sharjah, Émirats Arabes Unis Al-Qasimi Publications, 2015 P. 170 cartes, images; 15.5 cm X 23.5 cm y compris marges et annexes 1- Sharjah (Émirats Arabes Unis) – Histoire 2- Sharjah (Émirats Arabes Unis) – La situation politique 3- Al-Qawasim 4- Ras Al-Khaima (Émirats Arabes Unis) – Histoire – A - Titre _____________________________________________________________ Index descriptif lors de la publication : bibliothèque de Sharjah ISBN : 978 – 9948 –39 –429-7 Couverture : vue de Sharjah, prise du Khor Source d’images : par autorisation spéciale de : La Collection privée de Son Altesse Cheikh Dr. Sultan Bin Mohammed Al-Qasimi Centre de Cheikh Sultan Al-Qasimi, Sharjah Bureau hydrographique du Royaume-Uni, Archives de l’Amirauté HM, Taunton Musée maritime national, Greenwich, Londres Société géographique royale, Londres _____________________________________________________________ Autorisation d’impression : Conseil national des médias Abou Dhabi No. MC 03-01-9422937, Date:25-02-2018 Imprimerie: Digital World Printing Press, Sharjah, Émirats Arabes Unis Le Groupe d’âge: E

7 Table des matières Préface 9 Introduction 11 1 La construction de l’aérodrome de Sharjah 13 2 Les minerais et le pétrole à Sharjah 33 3 La variole à Sharjah 45 4 Sharjah et la Palestine 55 5 Lettre de garanties 67 6 Sharjah et la Seconde guerre mondiale 77 7 Une base militaire en temps de guerre à Sharjah 97 8 Les Américains à Sharjah 109 9 D’un aérodrome civil à une base militaire 125 10 La ville punie 137 11 Les chants de la ville 149 Index des noms propres 169

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9 Préface Sous la gouvernance de Cheikh Sultan bin Saqr bin Rashid al-Qasimi, la tribu des Qawasim connut, à Sharjah, l’apogée de son pouvoir et de son expansion géographique. Son territoire s’étendait du village d’al-Mamzar à Khatm Malaha vers l’est, et, vers le nord, jusqu’aux îles de Tomb, Abou Moussa, Sair Bu Nu’air et Lengeh (sur la côte perse ). La capitale en était, sous Cheikh Sultan, Ras al-Khaimah. En 1809, juste avant que Cheikh Sultan ne parvînt à s’échapper de sa prison de Dir’iyyah, Ras al-Khaimah tomba aux mains de Cheikh Hassan bin Rahmah. Dépouillé de ses terres et trouvant l’armée britannique en train de bombarder sa capitale, Cheikh Sultan partit pour Lengeh, le long de la côte perse. Quatre ans plus tard, il réussit à reprendre Sharjah et en fit sa capitale. Le conflit entre Hassan bin Rahmah, le gouverneur de Ras al-Khaimah, et les Britanniques dura pendant dix ans. Il prit fin avec le bombardement acharné par les forces britanniques des bases desQawasim, puis l’occupation de toute la côte arabe et l’imposition de ce que les impérialistes britanniques appelaient par euphémisme un traité de paix mais n’était, en réalité, rien de moins qu’une reddition complète à l’occupant britannique. En octobre 1821, Ras al-Khaimah fut restitué à Cheikh Sultan bin Saqr qui l’annexa à Sharjah. Cheikh Sultan désigna ensuite son fils, Cheikh Ibrahim bin Sultan, comme vice-régent de Ras al-Khaimah. Il donna également l’ordre à son frère, Cheikh Saleh bin Saqr, de faire construire le fort de Sharjah pour y installer le siège du gouvernement. Au cours des quarante-cinq années qui suivirent, Sharjah fut le témoin d’événements historiques d’une très grande importance parmi lesquels figurent les coups et les opérations antibritanniques et anti-impérialistes que j’ai analysés dans mon livre Sous le drapeau de l’occupant.

CHRONIQUE D’UNE VILLE 10 Quand le chef de la tribu des Qawasim, Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi, décéda en avril 1866, ses deux fils,Khalid et Ibrahim, qui avaient été les vice-régents de leur père, se partagèrent la direction des principaux territoires de Sharjah et de Ras al-Khaimah. Une fois de plus, Sharjah fut, pendant encore soixante-six ans, le théâtre d’actions et de coups d’état destinés à contrer l’impérialisme britannique. C’est cette période-là qui est abordée dans ce livre. N’y eut-t-il plus ensuite d’événements captivants dans l’histoire de Sharjah ? Bien au contraire ! On pourra trouver la suite de cette histoire dans un de mes précédents livres intitulé Mes jeunes années. Sultan bin Mohammed Al-Qasimi PRÉFACE

11 Introduction Au cours de l’écriture de Chronique d’une ville, la perspective proche de la Foire internationaledu livredeSharjah2016m’a contraint à achever ce livre en seulement six chapitres. Le présent volume vient pallier ce manque en terminant l’ouvrage pour le présenter à la Foire internationale du livre de Sharjah 2017. Cette partie décrit les mauvais traitements subis par les gouverneurs de Sharjah et sa population entre les mains des Britanniques jusqu’en 1951.

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11 I La construction de l’aérodrome de Sharjah

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13 Après la signature de l’accord sur l’aérodrome de Sharjah le 22 juillet 1932, il apparut qu’une somme de 10000 roupies requise pour commencer la construction avait été envoyée comme avance sur paiement à l’agent de la résidence de Sharjah, Eissa bin Abdellatif, le 11 juillet 1932, afin qu’il la transmette en plusieurs versements au cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi, gouverneur de Sharjah. Alors que les travaux de construction commençaient, de nombreuses rumeurs se répandirent dans Sharjah, selon lesquelles Eissa bin Abdellatif utiliserait les fonds pour son propre profit. Lorsque l’agent politique à Koweït, H. Dickson, qui avait signé l’accord sur l’aérodrome de Sharjah, fut interrogé à ce sujet,1 il répondit dans une lettre datée du 4 août 1932 et adressée au ministre des Affaires étrangères du gouvernement de l’Inde britannique qui mentionnait, entre autres, les points suivants :2 1. Le pouvoir et l’influence de l’agent de la résidence, Eissa bin Abdellatif, sur la Côte sont immenses ; 2. Le salaire d’Eissa bin Abdellatif n’est pas suffisant pour le travail qu’il effectue pour le projet d’aérodrome ; 3. Au fond de lui-même, Eissa bin Abdellatif aime bien Cheikh 1 India Office Records (I.O.R.), Letters, Political and Secret (L.P.&S) /12/1966, NO.171/587, P.Z.5585/1932. 2 Ibid., L.P.&S/12/3626, P.Z.5015/1932

CHRONIQUE D’UNE VILLE 14 Sultan et pense que cela ne lui apporte aucun bénéfice et qu’à terme il sera remplacé par un officier britannique ; 4. L’agent de la résidence est un homme fort et sympathique qui est entièrement du côté des Britanniques, son influence bénéfique tout au long de la côte sera toujours précieuse et les Britanniques ont besoin d’éliminer toute crainte de quelques troubles futurs que ce soit. Quant à Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi, il avait déjà commencé à prendre des dispositions pour commencer à construire le bâtiment requis pour l’aérodrome de Sharjah, avant même la signature de l’accord avec les Britanniques. Le 26 juillet 1932, le cheikh rassembla 20 bateaux chargés de pierres provenant de l’île de Tomb. 13 bateaux supplémentaires à Tomb étaient en train d’être chargés pour apporter d’autres pierres. Les Britanniques, par ailleurs, avaient pris leurs dispositions pour l’arrivée à Sharjah du lieutenant Mackay le 12 août pour un séjour de 3 semaines. Les navires de guerre britanniques devaient également effectuer des visites régulières pendant les deux mois de juillet et aout conformément à l’accord. En outre, les Britanniques acceptèrent de fournir à Cheikh Sultan bin Saqr quarante fusils, en laissant trois autres en réserve, le tout avec deux cents balles. Ils étaient tous destinés à armer les gardes de l’aérodrome que Cheikh Sultan avait nommés à cet effet. Les Britanniques décidèrent aussi de mettre en place une station de télégraphie sans fil à Sharjah. Cependant, comme ils craignaient que Cheikh Sultan n’y trouve à redire, du fait qu’une telle station ne faisait pas partie de l’accord, ils décidèrent de lui dire qu’elle appartiendrait à Imperial Airways.3 La veille du 29 août 1932, l’HMS Bideford arriva à Sharjah de Bouchehr. À bord se trouvait le résident politique dans le Golfe, le lieutenant-colonel Trenchard Fowle, accompagné du capitaine Denison qui avait participé aux négociations ayant conduit à la signature de l’accord sur l’aérodrome. 3 Ibid., L.P.&S/12/1966, No.171/587, P.Z,5297/1932, P.Z.4979/1932.

15 Pendant qu’ils étaient à bord, le capitaine Denison donna au résident politique quelques renseignements sur quelques-unes des figures de Sharjah. Au matin du 30 août, le capitaine Mackay qui était déjà à Sharjah rencontra le résident politique et l’informa que le résident de l’agence, bin Abdellatif, qui agissait pour le compte de Cheikh Sultan sur la question de la construction de l’aérodrome de Sharjah, n’utilisait pas les fonds aussi bien qu’il aurait dû ; il en utilisait plutôt la plus grande partie à son propre profit et était plus un obstacle qu’une aide quand il s’agissait, par exemple, de payer les gages des coolies. En conséquence, le résident politique dans le Golfe alla voir Eissa bin Abdellatif et l’informa des plaintes formulées par le capitaine Mackay. Puis, il entama des communications officielles avec Cheikh Sultan, le gouverneur de Sharjah. En ce qui concerne les fonds que le cheikh devait utiliser pour la construction de l’aérodrome, le résident politique décida que les fonds qui restaient en possession d’Eissa bin Abdellatif devaient lui être retirés et versés directement au cheikh Sultan par l’entremise du capitaineMackay. Le cheikh, en échange, recevrait les factures appropriées de toutes les dépenses déjà engagées. En outre, le résident politique versa 5000 roupies au cheikh Sultan pour qu’il les garde. Des dispositions furent prises pour que Mr Humaid bin Kamil, qui était à la fois le représentant du cheikh et l’assistant du capitaine Mackay, puisse prendre des fonds du cheikh tant que nécessaire. Personne d’autre que lui ne recevrait d’argent. Le capitaine Mackay et Humaid bin Kamil devraient tous deux préparer les comptes des dépenses hebdomadaires et les présenter au cheikh pour vérifier ce qu’il lui restait à couvrir. À la fin de la rencontre entre le résident politique et Cheikh Sultan, le premier versa au deuxième 1000 roupies comme subvention spéciale pour les mois de juillet et août. Le cheikh prit connaissance des plans de l’aérodrome qui incluaient ce qui était décrit comme une forteresse avec de hauts murs. L’ensemble des bureaux et des propriétés de la compagnie serait situé à l’intérieur de la forteresse qui serait elle-même entourée d’une LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 16 clôture. Les avions seraient gardés dans un enclos sécurisé lorsqu’ils seraient à Sharjah. La question de la sécurité de l’aérodrome fut aussi abordée. Tout le monde attendait l’arrivée de l’équipement qui, leur avait-on dit, était en route pour Sharjah.4 Cheikh Sultan bin Saqr et les habitants de Sharjah attendaient l’arrivée du RMS Bandra depuis le port de Shuaiba à Koweït le jeudi 22 septembre 1832. Ce jour-là, Cheikh Sultan avait préparé un nombre suffisant d’hommes et de bateaux prêts à travailler aux premières heures du jour. Ils attendaient tous le bateau chargé de l’équipement, des tentes d’Imperial Airways, des fusils et des munitions pour les gardes. Ils durent cependant revenir bredouille après une journée entière passée en mer, du fait que le Bandra fut retardé de 24 heures à cause d’un vent violent de nord-ouest. Comme le Bandra n’était pas arrivé au coucher du soleil, le cheikh avait retiré tous ses bateaux dans la crique et avait renvoyé les ouvriers. La marée était haute à 10 heures du soir. Le RMS Bandra arriva à Dubaï à 2h15 de l’après-midi le vendredi 23 septembre 1932, et s’amarra à deux kilomètres de la côte à 4 heures, y déchargeant rapidement la petite cargaison qui appartenait à Sharjah. Ensuite, à 9 heures du soir, le Bandra quitta Dubaï pour se diriger vers Hengam. Les ouvriers de Dubaï chargèrent la cargaison sur des bateaux de Dubaï et la transportèrent jusqu’à Sharjah. À ce moment-là, les travaux sur l’aérodrome étaient interrompus parce qu’il n’y avait plus de ciment disponible dans la région et l’on ne savait pas quand il pourrait arriver. De plus, le générateur d’électricité utilisé pour l’aérodrome de Sharjah était tombé en panne. Les ingénieurs anglais, cependant, disposaient d’unpetit générateurqui fonctionnait efficacement. Un nouveau générateur devait arriver, disait-on, le 29 septembre 1932. Dans l’après-midi du 5 octobre 1932, à 4 heures, le premier vol Imperial Airways arriva de Gwadar. Il s’agissait du Hanno, un appareil de facture britannique, qui transportait quatre passagers et qui était chargé à plein d’équipement et de pièces détachées. Son arrivée provoqua quelque agitation dans la population de Sharjah, qui attendait son arrivée avec Cheikh Sultan bin Saqr. Après un atterrissage sans problème, l’avion fut 4 Ibid., L.P&S/12/1965,P.Z5585/1932, L.P.&S/12/1966, P.Z.5765/65/1932

17 remorqué dans un hangar entouré de barbelés. Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi, accompagné du reste des dignitaires de Sharjah et d’une foule de résidents, alla voir l’appareil et l’admirer. Les passagers furent logés dans les tentes, qui étaient dotées de tout le confort, des meubles et des équipements appropriés. Le Hanno reprit l’air le 6 octobre 1932 et atterrit à Manama au Bahreïn. Le 7 octobre 1932, le Hannibal arriva de Bahreïn à Sharjah. Les gardes du cheikh affectés à l’aérodrome étaient au nombre de 37 et ils avaient des fusils de service. Le HMS Triad était resté à quai en face de Sharjah et son commandant général de marine avait été présent lors de tous les vols et les atterrissages de Sharjah. Cet officier supérieur rendit visite à Cheikh Sultan bin Saqr au fort de Sharjah. Après les cérémonies officielles et la réception à l’étage du fort, tout le monde se rendit dans la cour d’honneur du fort où eut lieu une démonstration équestre. Ce fut une piètre démonstration du fait de l’état des chevaux. Cependant, le cheikh lui-même monta un cheval et se donna en spectacle, par quoi il montra qu’il était un cavalier hors-pair. La garde de l’aérodrome et des appareils fut confiée à CheikhMohammed bin Saqr, le frère du gouverneur, un fait qui était de la plus grande importance. La station télégraphique à Sharjah fondée par le ministère de l’Air britannique fonctionnait efficacement à partir de l’aérodrome de Sharjah en utilisant les ondes à basse fréquence LW 900 et haute fréquence SW 45 et fournissait des services aériens. L’établissement d’un service de télégraphie à Sharjah sous l’égide d’une compagnie britannique opérant en permanence impliquait que les communications entrantes et sortantes nécessaires seraient gérées à Sharjah.5 Les travaux de construction de l’aérodrome de Sharjah n’avançaient pas de manière satisfaisante à moins que le capitaine Mackay ne soit présent. Cependant, ses visites à Sharjah n’étaient pas régulières. Néanmoins, il écrivit un rapport détaillé à propos d’Eissa bin Abdellatif, de Cheikh Sultan 5 Ibid., L.P.&S/12/1965, P.Z.903/1933, L.P.&S/12/4116, 8823/AF/VAS, L.P.&S/12/1966, Sharjah Defense Scheme. LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 18 bin Saqr al-Qasimi et des notables de Sharjah, ainsi que sur l’avancée des travaux sur l’aérodrome de Sharjah. Voici ce qu’il écrit : Mémorandum sur le comportement des notables de Sharjah durant les premiers mois de la construction de l’hôtel des voyageurs – rédigé par le capitaine K. Mackay, R.E.* , ingénieur en chef. 1. La déclaration qui suit se fonde principalement sur le journal tenu par Natha Singh, un Jat sikh, spécialement employé par le département des travaux et constructions en tant que superviseur pour la construction et sur mon propre souvenir des différents événements, mes conversations avec les personnes non anglophones ont toujours été menées avec des interprètes. Il s’agissait de Natha Singh, David, mon valet assyrien et Houssain, qui est l’interprète de K.B. Eissa, l’agent de la résidence. J’ai cependant parfois utilisé divers Indiens résidant sur la Côte. 2. J’ai entrepris dans l’ensemble de rapporter les entrevues et les déclarations les plus importantes qui ont été faites et de leur donner des dates. De plus, j’ai eu de nombreuses conversations avec des gens du pays de toute classe et de toute race, qui ont sans aucun doute influencé mon opinion en corroborant les preuves de la vérité des déclarations rapportées. 3. Afin de mieux comprendre les diverses difficultés que j’ai rencontrées dans les toutes premières étapes, il faut savoir que j’étais le premier Européen, de mémoire d’homme, à résider de manière plus ou moins permanente sur la Côte de la Trêve et que la construction de l’Hôtel des Voyageurs était la première façon de prendre pied sur la Côte pour un gouvernement européen depuis quelques siècles. À mon arrivée, j’ai donc été considéré par la population en général avec un mélange de suspicion, d’intérêt et de fascination. 4. Le 10 aout 1932, Natha Singh est arrivé à Sharjah par le courrier avec les défenses et autres provisions. Un retard de 8 heures s’est ensuivi avant que les * R.E. : « Royal Engineers », corps des « ingénieurs royaux » (NDT).

19 provisions soient déchargées dans les dhows (boutres) pour être transportées sur la côte. La cause de ce retard, telle qu’expliquée ultérieurement par l’agent à Dubaï de la BISN Co†, un Indien du nom de Metha, était qu’Abdul Rahman, cousin d’Eissa, souhaitait utiliser ses boutres privés pour ce travail à l’exclusion des boutres loués habituellement par l’agent de la BI. 5. Le 11 août, Natha Singh a rendu visite au cheikh Sultan de Sharjah accompagné de Houssain. Tous les frères du cheikh étaient présents et la discussion a tourné autour de l’hôtel des voyageurs. En réponse aux demandes, Houssain a déclaré qu’il serait inutile de commencer sérieusement les travaux avant le retour de la flotte perlière et que la main d’œuvre de coolies disponible à Sharjah coûterait 1 roupie par jour et proportionnellement plus pour les ouvriers qualifiés, un maçon, par exemple, coûterait 5 roupies ou plus par jour. Plus tard dans la journée, Natha Singh a inspecté les pierres de construction qui avaient été apportées et n’en a trouvé qu’une petite quantité de qualité inférieure. Le 12 août, le cheikh et ses frères sont allés voir Natha Singh aux premières heures de la matinée et ont parlé du travail à faire. Ils ont été interrogés sur les dispositions prises pour fournir les matériaux en général, et sur les quantités que le chef maçon du cheikh lui avait indiquées comme nécessaires après qu’il eût étudié le plan que lui avait laissé l’ingénieur en chef lors de sa visite précédente. Le cheikh a répondu qu’il n’avait pas de maçon, qu’il n’avait vu aucun plan et qu’il n’avait pas commandé de matériaux car Eissa lui avait dit qu’il (Eissa) s’occuperait de tout. Pendant que ces discussions avaient lieu, je suis arrivé en hydravion et me suis rendu à la maison d’Eissa, où j’ai rencontré le cheikh, Natha Singh, Eissa, et d’autres personnes. J’ai reçu un bref rapport de Natha Singh et demandé au cheikh et à Eissa de fournir de la main d’œuvre dès que possible. J’ai inspecté l’aérodrome ; marqué le site de l’hôtel et inspecté les pierres. J’ai découvert † British-India Steam Navigation Company (NDT). LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 20 que qu’elles étaient transportées jusqu’au site avec le bus Ford (converti en camion), qu’Eissa m’avait dit pendant les négociations sur l’accord ne pas pouvoir être utilisé pour la construction de l’hôtel puisqu’il appartenait au syndicat dont Cheikh Sultan était le principal actionnaire, et comme le cheikh était passivement opposé à la construction de l’hôtel, il ne me donnerait pas l’autorisation d’utiliser le bus. J’ai interrogé donc Eissa et Houssain à ce sujet, qui m’a dit qu’il s’était débarrassé de tous ses intérêts au profit du reste des syndicats, auxquels avait été accordé un contrat pour transporter toutes les marchandises et les pierres requises pour la construction de l’hôtel. Eissa m’a laissé en outre entendre qu’il avait obtenu avec grande difficulté que le cheikh signe ce contrat et fournisse ainsi le transport si nécessaire aux travaux. Je suis parti le même jour en hydravion pour Ras alKhaimah pour aller évaluer un entrepôt de pétrole et ne revins pas avant le soir du 14. 6. Pendant ce temps, le 13, Eissa a envoyé à Natha Singh un tindal, un de ses parents, (payé 2/8 de roupie par jour) et 4 coolies (payés 1 roupie par jour). Ainsi a débuté le marquage de l’hôtel des voyageurs, du poste de défense, et de l’enchevêtrement des câbles. Lorsqu’ils ont visité le site, Natha Singh a demandé à la fois à Eissa et au cheikh de lui fournir plus de main d’œuvre. Entre temps, Natha Singh s’était forgé l’opinion que tout n’allait pas pour le mieux puisque plusieurs marchands indiens qui lui avaient rendu visite lui avaient dit qu’il y avait en ville une main d’œuvre nombreuse qui pouvait travailler pour 4 à 8 annas ‡ par jour selon la nature du travail, et qu’Eissa était en mesure de fournir de la main d’œuvre s’il le voulait puisque le véritable maître de la ville n’était pas Cheikh Sultan mais Eissa. 7. Lorsque je suis revenu, Natha Singh m’a rapporté le 15 ce qui s’était produit. J’ai décidé qu’il devait y avoir une raison politique quelconque à l’apparente incapacité d’Eissa à amener le cheikh à fournir de la main d’œuvre si bien ‡ 1 anna équivaut à 1/16 de roupie.

21 que, ne souhaitant pas interférer dans cette affaire, j’ai expliqué à Eissa l’urgence de l’affaire le 16 et demandé à avoir de la main d’œuvre sans délai. Houssain a expliqué que le cheikh ne voulait pas payer un taux de coolie d’une roupie par jour et les coolies refusaient de travailler pour moins cher. Le 17, une douzaine d’hommes supplémentaires se sont présentés pour travailler. Le tindal m’a informé qu’ils avaient été envoyés par le cheikh pour travailler pour 12 annas par jour. Au bout de 2 heures, ces hommes ont cessé de travailler, disant qu’ils ne travailleraient pas pour moins d’une roupie par jour. J’ai vérifié auprès de l’un des coolies qu’ils avaient été envoyés par Houssain et non par le cheikh. Le 18, j’ai compris qu’il fallait faire quelque chose et que si Eissa ne pouvait pas m’aider, il fallait que je m’aide moi-même, je suis allé donc voir le cheikh avec Natha Singh et lui ai expliqué l’urgence en lui demandant son aide. Il a envoyé immédiatement 24 hommes qui ont été mis au travail. Le 19 je me suis enquis auprès du tindal du taux auquel ces nouveaux hommes devaient être rémunérés par le cheikh puisque, à ce moment-là, j’ai présumé que tous les paiements devaient être effectués par le cheikh et que je me contenterais de les approuver comme « justes et raisonnables. » On m’a donné le chiffre d’une roupie par jour. 8. Ce soir-là, le cheikh est venu sur le site pour voir les travaux et je lui ai dit que je savais que le taux du bazar était inférieur à 8 annas, et que je ne pouvais pas approuver des salaires si excessifs. Il a répondu qu’il ne savait pas combien les coolies étaient rémunérés, qu’Eissa s’occupait de tout, un taux d’une roupie par jour était beaucoup trop élevé, et il m’a demandé d’obtenir d’Eissa qu’il fasse baisser le taux, dans la mesure où il (le cheikh) devrait payer tout ce qu’Eissa avait dit. J’ai vu donc Eissa ce soir-là et lui ai dit que je ne cautionnerais aucune avance au cheikh si le salaire des coolies n’était pas réduit à 12 annas par jour. Il a répondu qu’il lui saurait impossible de trouver des hommes pour un tel taux, qu’il ne serait être tenu responsable si les travaux en pâtissaient en conséquence et a répété que la main d’œuvre ne serait pas satisfaisante avant le retour de la LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 22 flotte perlière. Je l’ai interrogé alors sur la somme de 10000 roupies qui avait été confiée à Issa pour qu’elle soit avancée au cheikh sur ma recommandation. Je me suis entendu répondre que 6000 roupies avaient été dépensées par Eissa pour les travaux et que rien n’avait été avancé au cheikh. J’ai réclamé immédiatement des détails et une explication sur les paiements qui avaient été faits à ma connaissance. Eissa m’a dit qu’il avait dépensé l’argent pour faciliter les travaux en achetant des matériaux et qu’il me présenterait les comptes. 9. Il m’apparaissait alors clairement que : i. Le cheikh n’avait aucun contrôle sur ni aucune connaissance des fonds confiés à Eissa par le gouvernement pour qu’ils lui soient avancés sur ma recommandation ; ii. Eissa avait dépensé indûment des sommes prises sur ces avances ; iii. Eissa faisait grimper le prix de la main d’œuvre. La raison de ce dernier point a bientôt apparu. Des marchands indiens ont dit à Natha Singh et un marchand arabe m’a dit qu’Eissa voulait retarder les travaux jusqu’au retour de la flotte perlière pour qu’il puisse faire embaucher ses pêcheurs de perles. En temps ordinaire, il devait nourrir ces hommes durant l’hiver. Si, cependant, ils étaient employés à travailler sur l’hôtel, il pourrait tirer une roupie par jour pour chacun d’eux, ce qui, lorsqu’il aurait payé pour leur nourriture, lui laisserait un bénéfice confortable de 12 annas par homme et par jour. 10. Le 20, j’ai vu le cheikh et lui ai dit qu’Eissa avait dépensé la moitié de l’argent en son nom et lui ai demandé ce qu’il savait à ce sujet. Il a dit qu’il était au courant, qu’Eissa lui en avait parlé et qu’il avait signé des reçus pour les avances, mais qu’il n’avait aucune idée de la façon dont l’argent avait été dépensé. Je lui ai expliqué la signification de l’accord, et il m’a demandé de faire venir le résident politique à Sharjah pour qu’il puisse parler avec lui. Il a dit qu’il voulait lui parler seul, en l’absence d’Eissa. Le même soir vers 8 heures, alors que j’étais dans ma maison et que je m’habillais pour aller dîner à

23 bord du Bideford, Eissa a payé tout ce qu’il devait à la main d’œuvre devant sa maison, et l’un des serviteurs a informé les hommes qu’Eissa leur ordonnait de ne plus travailler à l’avenir pour le cheikh ou pour moi-même. Si quelqu’un leur demandait pourquoi, ils devaient répondre qu’ils ne travailleraient pas pour moins d’une roupie par jour. Mon valet, qui parle persan, a été témoin de toute la scène, mais, n’ayant pas conscience de ce que cela signifiait, il ne m’en a parlé que le lendemain lorsqu’il a appris de moi que les hommes ne s’étaient pas présentés pour travailler. 11. Aucun homme ne s’est présenté le 21, même si un nombre d’entre eux ont interpellé Natha Singh dans le bazar et ailleurs pour lui dire qu’ils seraient prêts à travailler pour 12 annas par jour mais qu’ils avaient peur d’Eissa. Accompagné de Natha Singh je suis allé voir le cheikh pour lui demander s’il avait autorisé le paiement. Il a dit qu’il n’avait donné aucune permission et qu’il me verrait avec Eissa une heure plus tard au domicile de ce dernier. Je suis allé donc voir Eissa et lui ai demandé pourquoi il avait fait ce paiement. Il a déclaré que les hommes étaient venus et lui avaient demandé leur compte, puisqu’ils ne voulaient pas travailler pour 12 annas, et comme il y avait du travail disponible à des taux plus élevés, ils voulaient être libres immédiatement pour obtenir ces meilleures conditions de travail. (Il est à noter que, ce jourlà, la majorité des hommes, qui avaient travaillé, restaient assis dans le bazar à ne rien faire.) Je lui ai demandé pourquoi il ne m’avait pas informé lorsque… (texte incomplet). »6 À la lecture du rapport, le commandant général des forces britanniques dans le Golfe donna ordre à l’agent politique à Bahreïn, le lieutenantcolonel Percy Gordon Loch, de se rendre à Sharjah le 14 décembre 1932 pour vérifier la situation à Sharjah. Le lendemain, le 15 décembre 1932, il donna pour instruction que toutes les dispositions nécessaires soient prises pour régulariser les affaires liées à la construction de l’aérodrome de 6 Ibid., L.P.&S/12/1965, P.Z.975/1932. LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 24 Sharjah. Plus tôt le 14 décembre 1932, Mr Welsh, commandant du groupe militaire, était arrivé de Bahreïn à bord d’un véhicule amphibie qui avait débarqué sur la crique de Sharjah. À l’arrivée du lieutenant-colonel Loch, Eissa bin Abdellatif et Welsh devaient tous deux le recevoir, et il fut conduit à la maison d’Eissa. Quelques minutes plus tard, Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi arriva à la maison d’Eissa pour rencontrer le lieutenant-colonel Loch. Après un bref échange de compliments, Cheikh Sultan accompagna Loch au fort de Sharjah. Avec leur suite, ils traversèrent à pied le souk Saqr de la porte nord à la porte sud puis allèrent jusqu’au fort de Sharjah. Ensuite, ils allèrent au site de construction de l’aérodrome de Sharjah où ils déjeunèrent et inspectèrent les lieux. La veille du 14 décembre 1932, Cheikh Sultan bin Saqr envoya un bref message à Mr Loch en demandant à le voir. Mr Humaid bin Kamil était également présent à cette rencontre. Durant l’entrevue, Cheikh Sultan sembla satisfait des travaux effectués jusqu’alors, mais il demanda aussi à voir les rapports détaillés sur ces travaux, en particulier parce qu’il y mettait beaucoup d’argent et il ne savait pas comment il était dépensé. Il ajouta que beaucoup d’argent avait été gaspillé en vain par le passé. Loch répondit qu’il était trop tard dans la soirée mais qu’il demanderait à Natha Singh, responsable de la construction, de lui montrer les comptes, puisque le capitaine Mackay était à Bassora où il recevait des soins médicaux. Après avoir vérifié tous les comptes et donné lui-même tous les détails, Mr Loch retourna à Bahreïn dans son véhicule amphibie le 15 décembre 1932.7 À onze heures du matin le 15 décembre 1932, le HMS Hawkins arriva à Sharjah. À son bord se trouvait le commandant général des forces britanniques ainsi qu’un nombre important d’officiers de marine britanniques présents dans le Golfe. À midi, Cheikh Sultan bin Saqr monta à bord du navire accompagné d’au moins vingt membres de sa famille pour rendre visite au commandant général. Cheikh Sultan était petit et bien charpenté, réservé au premier 7 Ibid., L.P.&S/12/1965,No.C/235/1932

25 abord, une attitude qu’il remplaça bientôt par une allure autocratique. Le soir, le commandant général et les officiers supérieurs de marine allèrent à terre pour inspecter l’avancement de la construction de l’aérodromedeSharjah. Ils discutèrent aussi de la questionde lanomination de quelqu’un pour aider le capitaine Mackay, en particulier lorsqu’il était absent de Sharjah. L’officier Finch, de la Royal Air Force britannique, fut finalement choisi pour cette fonction.8 Au début de l’été 1932, la construction de l’aérodrome de Sharjah était terminée. Deux tours de garde avaient été également ajoutées à des fins de défense et elles étaient équipées d’un canon, demunitions, et de personnels pour actionner le canon. En ce qui concerne la question du stockage du carburant pour Imperial Airways, elle fut également réglée. Au départ, le carburant était stocké en ville, ce qui n’était pas souhaitable.On parvint alors à un accord avec Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi selon lequel l’Anglo-Persian Oil Company (APOC) construirait son propre dépôt de carburant sur le côté Al-Jubail de la crique de Sharjah, près de l’épave du navire échoué Al-Doba. La compagnie serait dispensée de payer un loyer pendant douze ans, après quoi elle paierait un loyer mensuel de 200 roupies au cheikh propriétaire du dépôt. La capacité du dépôt était de 40000 gallons, la consommation moyenne d’Imperial Airways à Sharjah étant de 4000 gallons par mois. L’ouverture de la poste de Sharjah dans l’aérodrome de Sharjah fut également approuvée, sous l’autorité du responsable d’Imperial Airways sur l’aérodrome. Cependant, le responsable refusa de travailler pour 30 roupies par mois. En outre, son directeur général à Imperial Airways refusa que son employé fasse du travail supplémentaire en dehors de son champ de compétences. À cette époque-là, un centre météorologique fut aussi ouvert en même temps que l’aérodrome de Sharjah. Cependant, la construction de la zone résidentielle destinée aux employés indiens fut menée ultérieurement. Le bâtiment consistait en cinq pièces près de l’hôtel de l’aéroport et était 8 Ibid., L.P.&S/12/1966, P.Z.1815/1933 LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 26 considéré comme en faisant partie. Il resterait propriété de Cheikh Sultan même si l’aérodrome de Sharjah devait être abandonné un jour.9 Le 14 juin 1932, le Hanno arriva deGrande-Bretagne en route pour l’Inde. À son bord se trouvait Lady Willingdon, épouse de Lord Willingdon, viceroi des Indes (1931-1936). L’agent de la résidence politique avait informé Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi de son arrivée et le cheikh avait exprimé le désir de la rencontrer. CheikhSultanreçut LadyWillingdonaupiedde l’appareil et l’accompagna avec l’agent politique jusqu’au bâtiment sur l’aérodrome où le cheikh l’invita à se rendre au fort de Sharjah, ce qu’elle accepta. À leur arrivée au fort, le canon du cheikh tira cinq coups de cérémonie pour elle. Cheikh Sultan lui offrit ensuite quelques perles et un bijou de cheville serti d’un diamant. Elle fut ravie de ces présents. Apres avoir pris du café, elle alla avec le cheikh dans la cour d’honneur du fort pour assister à une course de chevaux organisée en son honneur. Après ces cérémonies, Lady Willingdon visita la résidence politique de Sharjah où elle fut accueillie avec grand respect et hospitalité. Ensuite, accompagnée de l’agent politique elle se rendit à l’aérodrome de Sharjah où elle passa la nuit. Au matin du 15 juin 1933, Cheikh Sultan bin Saqr et l’agent politique, Eissa bin Abdellatif, se rendirent à l’aérodrome pour dire au revoir à Lady Willingdon mais elle était déjà partie avant leur arrivée.10 Lorsque l’aérodrome de Sharjah fut pleinement opérationnel, Sharjah prit de l’importance, devenant la porte d’entrée de tous les autres émirats. La plupart des délégués qui venaient à Sharjah ou dans tout autre émirat passaient par Sharjah. Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi devint lui aussi très important pour les Anglais, et ils lui promirent leur plein soutien. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de l’Inde britannique 9 Ibid., L.P.&S/12/1966, P.Z.4456/1933, P.Z.7396/1933, L.P.&S/12/4120, P.Z.4621/1933, P.Z. 7715/1933, P.Z.1003/1935, L.P.&S/12/1986, P.Z.7784/1934, L.P.&S/12/3789, P.Z.255/1935 10 Ibid., L.P.&S/12/4116,P.Z.3926/1933

27 écrivit le 26 juin 1933 une lettre au secrétaire adjoint britannique aux affaires indiennes à Londres, dans laquelle il disait que du fait que Sharjah était devenu l’aéroport de la Côte de la Trêve, son cheikh devait être le chef auquel les Britanniques apporteraient le plus de soutien.11 Quatre mois plus tard, les Anglais modifièrent leur façon de traiter Cheikh Sultan bin Saqr. Après l’avoir soutenu, ils prirent des mesures punitives. La veille du 3 novembre 1933, le navire royal britannique arriva à Sharjah. Son arrivée avait été prévue la veille. Cependant, le commandant suprême des forces britanniques avait dû changer la date pour tenir compte du retour de Cheikh Sultan bin Saqr de Bahreïn. Cheikh Sultan avait déjà été informé de la visite. Les Anglais l’avaient également confirmée dans une requête officielle présentée à Cheikh Sultan, selon laquelle il devait recevoir personnellement le commandant général des forces armées en Inde, comme il s’agissait de sa première visite dans le Golfe. Malgré cela, Cheikh Sultan était parti pour Bahreïn et s’était excusé pour dire qu’il ne pourrait pas être revenu à temps à Sharjah. Il rentra cependant, mais trop tard. L’agent politique à Sharjah, Mr Eissa bin Abdellatif, lui conseilla de présenter ses excuses, ce qu’il fit. Le 4 novembre, le commandant suprême visita l’aéroport et la piste et après avoir rendu visite à l’officier Finch, l’assistant de Mackay, à l’hôtel des voyageurs, ce dernier l’accompagna dans sa visite. Il n’alla pas voir Cheikh Sultan bin Saqr, dont l’importance s’était accrue. En conséquence, Cheikh Sultan alla visiter le navire royal. Il fut très poli dans cet échange avec les Anglais, mais les coups de canon habituels de salut ne furent pas tirés pour lui. Aussi, le commandant lui-même ne lui rendit pas la pareille. Peu après, les Anglais décidèrent de ne pas tirer le canon à chaque fois que Cheikh Sultan visiterait un navire militaire britannique. Cette décision fut communiquée à Cheikh Sultan par Eissa binAbdellatif. Cheikh Sultan exprima sa crainte qu’une telle nouvelle ne se répande sur la côte. La nouvelle s’était déjà répandue parmi tous ceux qui étaient concernés par les relations entre les Anglais et les cheikhs de la Côte de la Trêve. La situation était observée de près, en particulier la façon dont il se 11 Ibid., L.P.&S/12/1965, P.Z.116−1934, 3710, P.Z.587−340. LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 28 comportait dans ses relations avec les Anglais.12 Encequi concerne lapostedeSharjahévoquéeplus haut, le gouvernement de l’Inde britannique fut informé audébut de l’été 1933qu’il devait recruter un receveur des postes approprié pour la poste de Sharjah, pour un salaire de 30 roupies par mois. Si cela n’était pas possible, il serait très difficile de faire fonctionner unbureaude poste à Sharjah.13 Un an plus tard, à l’été 1934, on trouva la personne appropriée en question, un employé de la Mesopotamia Persia Corporation Limited à Dubaï et Sharjah. La compagnie était d’accord pour que l’un de ses employés soit le receveur de la poste de Sharjah. Cependant, il ne fut pas possible de lui fournir un logement convenable à cette époque-là. Quelques semaines plus tard, le directeur d’Imperial Airways écrivit au cabinet du ministre et à la Poste centrale à Londres pour dire : Ici nous préfèrerions cependant qu’une poste soit établie pour gérer la circulation du courrier par avion plutôt que le courrier ne soit reçu à Sharjah en tant que fret. Je vous suggère donc de répondre aux Postes et Télégraphes Indiens en recommandant qu’un petit bureau de poste soit ouvert sous le contrôle du superintendant de l’aérodrome et qu’un employé indien soit affecté pour le gérer. Je pense que vous pourriez dire aux Postes et Télégraphes Indiens que s’ils fournissent un employé, notre superintendant de l’aérodrome prendrait la responsabilité de la supervision (en tout cas dans les premiers stades de l’opération) pour seulement une rémunération modique. 14 Étant donné le retard dans l’ouverture de la poste de Sharjah pour diverses raisons, le capitaine de la Royal Navy, officier supérieur de marine dans le Golfe persique, écrivit la lettre suivante en date du 23 octobre 1934 à l’attention de la Poste Centrale à Londres, au nom des 450 hommes et officiers en service dans le Golfe. La lettre disait : 12 Ibid., L.P.&S/12/4120, P.Z.7715/1933 13 Ibid., L.P.&S/12/4120, P.Z.5893/1934, P.Z.4875/1934 14 L.P.&S/12/4120, P.Z.4875/1934.

29 Cher monsieur, J’espère que vous ne trouverez pas à redire que je prenne sur votre temps pour vous présenter une affaire qui affecte grandement le personnel de marine en service dans le Golfe persique. Cette station est réputée pour être la pire pour ce qui est du climat et des installations générales. En conséquence, le courrier est un élément très important dans nos vies. Les dispositions actuelles pour le courrier par avion nous obligent à expédier les lettres destinées à nos foyers via Bahreïn ou Bassora ; toutes nos lettres sortantes sont livrées à Bassora pour être ensuite transmises par voie maritime. Cela entraine, vous le comprendrez bien, un retard considérable. Nos navires passent la plus grande partie de leur temps dans la section méridionale du golfe persique et se rendent fréquemment à Sharjah, et s’il était possible d’envoyer et de recevoir les lettres par avion à Sharjah, cela constituerait un gain de temps important. C’est à présent impossible puisqu’il n’y a pas de bureau de poste à Sharjah. Les détails techniques des dispositions pour le courrier entre Imperial Airways et la Poste Centrale sont bien sûr inconnus de moi et je ne suis donc pas en mesure de proposer des remarques constructives pour surmonter cette difficulté, mais les 450 hommes et officiers qui servent ici dans des conditions très éprouvantes apprécieraient grandement si un quelconque moyen pouvait être trouvé qui leur permettrait de recevoir et d’envoyer leurs lettres par avion via Sharjah. Peut-être que des dispositions pourraient être prises, similaires à celles de nos lettres ordinaires par voie maritime, qui sont postées à bord des navires de Sa Majesté et placées dans des sacs scellés adressés au receveur général à Londres, avec des timbres anglais. Il existe un bureau de poste à Dubaï, l’émirat voisin de Sharjah, mais bien que les lettres ordinaires puissent y être postées, ils n’acceptent pas les lettres par avion. Dans les conditions actuelles, il arrive fréquemment que l’un des nos navires doive parcourir plusieurs centaines de milles (par exemple pour aller jusqu’à Bahreïn) lorsqu’il est nécessaire d’envoyer des lettres officielles urgentes par avion. Je ne doute pas que vous comprendrez la différence que cela ferait s’il était possible d’envoyer et de recevoir des lettres par avion à Sharjah. Tous les navires de Sa Majesté concernés étaient présents lorsque la voie aérienne a été établie, ils ont joué et jouent toujours un rôle important pour rendre son développement possible du point de vue de la sécurité. 15 15 Ibid., L.P.&S/12/4120, P.Z.4875/1934. LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 30 Au mois de janvier 1935, le ministre des Affaires étrangères du Bureau de l’Inde britannique écrivit au ministre adjoint des Affaires étrangères à Londres pour l’informer de la question de l’ouverture d’un bureau de poste à Sharjah et lui dire que le Bureau de l’Inde britannique en avait étudié tous les tenants et les aboutissants. Cependant, lorsqu’Olaf Caroe, secrétaire adjoint du gouvernement de l’Inde, s’enquit auprès du lieutenant-colonel Fowle, le résident politique dans le Golfe, du bureau de poste de Sharjah, il reçut la réponse suivante datée du 13 juillet 1935 : Je ne perds pas de vue la question du bureau de poste de Sharjah, mais la question a pris du retard du fait des circonstances suivantes : - Le problème principal a été de trouver une maison convenable pour le receveur des postes, avec un bureau et un logement, en gardant à l’esprit la nécessité de la sécurité en un lieu comme Sharjah. - J’avais deux plans à l’esprit : a. Situer le bureau de poste dans l’hôtel des voyageurs d’Imperial Airways sur l’aérodrome ; b. Trouver une maison proche de l’agent de la résidence dans la ville. Cela fournira au bureau de poste un site sûr mais il n’y a pas de logement disponible dans l’hôtel des voyageurs ni pour le bureau de poste lui-même ni pour les quartiers du receveur. Il faudrait les construire et je ne vois pas d’où viendrait l’argent. De plus, l’hôtel est situé à 5 kilomètres de la ville. Le cheikh a proposé une maison libre de loyer sur la jetée des douanes. Cette maison est bien située pour un bureau de poste mais comme elle est un peu éloignée de la maison de l’agent de la résidence, elle n’est pas très bien protégée. De plus, il y a deux clauses pour l’attribution de cette maison :… .16 Ces deux conditions étaient les suivantes : 16 Ibid. P.Z. 5745/1935.

31 a. Qu’un loyer raisonnable soit versé lorsque le bureau de poste commencerait à générer des profits ; et b. Que la livraison des lettres de l’aéroport au bureau de poste et leur distribution soit le monopole de Cheikh Sultan qui utiliserait l’une de ses propres voitures ou un bateau lui appartenant. Le résident politique dans le Golfe déclara qu’il avait donné instruction à «Cole »§ qui s’était récemment rendu à Sharjah de demander au cheikh s’il avait l’intention de donner un garantie limitée en plus d’assurer la sécurité à la fois pour le bureau de poste et pour ses employés. Ainsi, la question de la Poste de Sharjah resta dans l’incertitude, entre Olaf Caroe d’une part, et le lieutenant-colonel Fowle et son adjoint, Mr Loch, d’autre part. § George Ashmead Cole, adjoint à l’agent politique à Bahreïn et agent politique par intérim à Bahreïn lorsque l’agent politique lui-même était absent. LA CONSTRUCTION DE L’AÉRODROME DE SHARJAH

CHRONIQUE D’UNE VILLE 32

Illustration 1 : Cheikh Sultan bin Saqr Al Qasimi, gouverneur de Sharjah et son fils, Saqr bin Sultan, en 1932

Illustration 2 : Cheikh Sultan bin Saqr Al Qasimi, gouverneur de Sharjah avec son fils Saqr bin Sultan, à cheval

Illustration 3 : L’avion Hannibal en 1932

Illustration 4 : Lady Willingdon, l’épouse du vice-roi de l’Inde, arrive à Sharjah le 14 juin 1932

Illustration 5 : L’aérogare de Sharjah en 1940

Illustration 6 : Le cinéma du camp britannique en 1940

Illustration 7 : Cheikh Sultan bin Saqr al-Qasimi, son fils Cheikh Mohammed à droite de la photo et son fils Cheikh Abdullah à gauche, en 1940

Illustration 8 : Cheikh Mohammed bin Saqr al-Qasimi et Cheikh Khalid bin Khalid al-Qasimi, avec Cheikh Saqr bin Mohammed bin Saqr au milieu, en 1942

Illustration 9 : Matraziyya (garde) de Cheikh Sultan bin Saqr Al Qasimi, gouverneur de Sharjah, en 1942

Illustration 10 : Matraziyya (pluriel de Matarzi) – à l’origine (Matragji), un mot turc déformé localement. Matarzi * de l’armée de Cheikh Sultan bin Saqr Al Qasimi, gouverneur de Sharjah, en 1942

Illustration 11 : Propriétaire d’un magasin à Sharjah en 1942

Illustration 12 : Un barbier à Sharjah en 1942

Illustration 13 : Un cuisinier à Sharjah en 1942

Illustration 14 : Un employé de Sharjah en 1942

Illustration 15 : La variole à Sharjah en 1942 et non pas la variole qui a frappé tous les émirats arabes unis en 1935

Illustration 16 : Un homme atteint de variole

Illustration 17 : Des hommes de Sharjah en 1942

Illustration 18 : Une jeune fille de Sharjah en 1942

Illustration 19 : Une femme de Sharjah en 1942

Illustration 20 : Une fille et deux garçons de Sharjah en 1942

Illustration 21 : Une petite fille de Sharjah en 1942

Illustration 22 : Un chemin entre les maisons de Sharjah en 1942

Illustration 23 : Marché de l’ouest de Sharjah en 1942

Illustration 24 : Un chemin entre les maisons de Sharjah en 1942

Illustration 25 : Début du marché de Chenasiyya et Arsat al-Fahm en 1942

Illustration 26 : Plage de la crique de Sharjah, devant la maison de Khan Sahib, en 1942

Illustration 27 : Plage de la crique de Sharjah, devant la maison de Khan Sahib, en 1942

33 2 Les minerais et le pétrole à Sharjah

CHRONIQUE D’UNE VILLE 34

35 L’économie de Sharjah commença à prospérer, avec de nombreux emplois nouveaux pour les ouvriers, les techniciens, les charpentiers et les maçons. Il y eut aussi un boom dans la location de bateaux, ce qui était une bonne nouvelle pour les marins. Cela entraîna une augmentation du pouvoir d’achat de la population. De nouveaux souks ouvrirent, tels que ceux de Saqr, al-‘Arsah, al-Shinasiyah, en plus du souk couvert. Les importations de nourriture augmentèrent, un plus grand nombre de moutons et de têtes de bétail furent apportées afin de fournir l’aérodrome en viande, en poulets, en œufs et en poisson. En même temps, il y eut une augmentation de la production agricole. La plupart des gens qui se rendaient aux émirats par la côte devaient passer par l’aérodrome de Sharjah car c’était le seul dans la région. La majorité des voyageurs qui allaient vers l’est comme en Australie, de même que ceux qui venaient de l’ouest (Grande-Bretagne) ou qui y retournaient depuis l’Australie et l’Inde, s’arrêtaient en chemin à Sharjah. L’aérodrome de Sharjah et l’hôtel des voyageurs devinrent un lieu de transit, où les voyageurs passaient la nuit entre l’arrivée de leur vol à Sharjah avant le coucher de soleil et leur départ le lendemain matin. Les revenus du gouvernement de Sharjah s’accrurent également. Outre le revenu du gouverneur, Cheikh Sultan bin Saqr, généré par l’accord sur l’aérodrome, le cheikh avait d’autres sources de revenu des loyers sur les bâtiments ou les bureaux de service des Anglais, que ce soit à l’aérodrome de Sharjah ou dans la ville même.

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